Protection du contenu d'une base de données - la seule clause "propriété intellectuelle" figurant dans des CGU ne suffit pas à revendiquer un droit

Pour se prévaloir d'un droit de propriété sur sa base de données, le producteur doit justifier des investissements substantiels réalisés sur cette dernière (CA Paris, 20 mai 2022, n°18/07621).

𝗟𝗲𝘀 𝗳𝗮𝗶𝘁𝘀 ?

Une société proposait sur le site lastminute.com un service permettant aux internautes de combiner des réservations de billets de train, d'avion et de locations de chambres d'hôtels/véhicules.

À cette fin, elle exploitait les données des offres de réservation de la compagnie Ryanair extraites notamment du site ryanair.com.

Les CGU de la société Ryanair stipulaient que cette compagnie détient un droit de propriété exclusif sur ses données - relatives notamment aux prix et aux horaires des vols - sous le bénéfice de sanctions des consommateurs qui y porteraient atteinte.

Cette compagnie a été assignée au motif notamment qu'elle ne peut pas revendiquer un tel droit de propriété intellectuelle sur sa base de données.

𝗟𝗮 𝗽𝗿𝗼𝗯𝗹𝗲́𝗺𝗮𝘁𝗶𝗾𝘂𝗲 ?

Une base de données peut faire l'objet d'une protection par le droit d'auteur et/ou par un droit dit sui generis.

Pour bénéficier d'une protection par un droit sui generis, le propriétaire doit justifier des investissements substantiels humains, matériels et financiers réalisés pour développer sa base de données.

Si ces investissements ne sont pas rapportés, aucun droit de propriété sui generis ne peut être revendiqué et ce, même si les CGU/CGV le stipulent explicitement.

Il en serait de même pour le droit d'auteur si l'originalité de la base de données n'est pas rapportée.

𝗣𝗼𝘀𝗶𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲𝘀 𝗷𝘂𝗴𝗲𝘀 ?

Dans un précédent litige opposant la société Ryanair à la société Opodo, il avait été jugé que la société Ryanair ne démontre pas que la constitution, la vérification ou la présentation du contenu de sa base de données atteste d'un investissement de sa part (CA Paris, 23 mars 2012, n°10/11168 + Cass. Com. 10 fév. 2015, n°12/26023).

Dans l'affaire de 2022, la Cour d'appel relève que la société Ryanair n'apporte aucun élément nouveau de nature à justifier de tels investissements.

Elle considère ainsi que la compagnie aérienne ne peut pas revendiquer un droit de propriété sur sa base de données et que la clause figurant dans les CGU qui oppose ce droit exclusif aux consommateurs est illicite.

𝗟𝗮 𝗽𝗼𝗿𝘁𝗲́𝗲 𝗱𝗲 𝗹'𝗮𝗿𝗿𝗲̂𝘁 𝗱𝗼𝗶𝘁 𝗲̂𝘁𝗿𝗲 𝗻𝘂𝗮𝗻𝗰𝗲́𝗲

La Cour de Justice de l'Union Européenne avait jugé que même si une base de données n'est pas protégée par un droit sui generis ou un droit d'auteur, son propriétaire reste libre d'en limiter contractuellement son utilisation par le biais de ses CGU.

(CJUE, 15 janv. 2015, C-30/14, Ryanair / PR Aviation - solution reprise ici en 2022 par la Cour d'appel).

Image : Unsplash


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