Détournement du graphisme des Vélib' pour diffuser un message anti-IVG : mise en balance entre expression militante et protection du droit d'auteur

La Ville de Paris a assigné le dirigeant du mouvement « Les Survivants » à la suite de l’apposition de 10 000 autocollants sur les Vélib’, reprenant la charte graphique du logo pour diffuser un message anti-IVG (« Et si vous l’aviez laissé vivre ? »).

Le dirigeant se prévalait de sa liberté d’expression.

𝐏𝐨𝐬𝐢𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐮 𝐭𝐫𝐢𝐛𝐮𝐧𝐚𝐥 – 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞𝐟𝐚𝐜̧𝐨𝐧 𝐞𝐭 𝐩𝐚𝐫𝐚𝐬𝐢𝐭𝐢𝐬𝐦𝐞 𝐜𝐚𝐫𝐚𝐜𝐭𝐞́𝐫𝐢𝐬𝐞́𝐬

𝐂𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞𝐟𝐚𝐜̧𝐨𝐧

▶️ Le logo Vélib’ présente une physionomie propre (écriture enfantine, contours irréguliers, palette spécifique) protégée par le droit d’auteur. L’autocollant reprenait cette combinaison graphique, la contrefaçon est donc reconnue.

▶️ Le message anti-IVG relève d’un débat d’intérêt général, mais la liberté d’expression ne permet pas ici de déroger au respect des droits d’auteur.

L’usage du graphisme Vélib’ n’était pas nécessaire pour véhiculer le message, d’autres typographies libres de droit auraient pu être utilisées. La restriction apportée à la liberté d’expression reste donc proportionnée.

𝐏𝐚𝐫𝐚𝐬𝐢𝐭𝐢𝐬𝐦𝐞

▶️ La campagne ne résultait pas d’un collage spontané : l’autocollant avait été conçu pour épouser exactement la forme des garde-boues des vélos et intégrait des éléments renvoyant à l’univers de Vélib’.

▶️ L’opération sur 10 000 vélos révèle une volonté de tirer profit de la notoriété attachée aux Vélibs. Le message militant aurait pu être exprimé sans détourner l’image de ces vélos.

𝐂𝐨𝐧𝐬𝐞𝐢𝐥𝐬

L’équilibre entre la liberté d’expression et les droits de propriété intellectuelle est régulièrement discuté.

En droit des marques, aucune exception de parodie n’est prévue. Quelques rares détournements militants ont néanmoins été admis, comme l’adaptation du logo ESSO en E$$O par Greenpeace.

En droit d’auteur, l’exception de parodie peut autoriser la reprise d’une création existante sans autorisation, à condition que le détournement soit nécessaire au message, proportionné, et qu’il respecte certaines conditions.

Deux décisions illustrent cette limite :

▶️ Vidéo militante de L214 : la parodie d’une publicité de foie gras a été jugée recevable pour condamner les pratiques de gavage, l’objectif critique justifiant le détournement sans créer d’atteinte excessive.

▶️ Parodie de « Cho ka ka O » par Dieudonné pour sa chanson « Shoah Nanas » : la condamnation est prononcée, le caractère haineux et négationniste du propos excluant toute protection par la liberté d’expression.

Un discours militant ou satirique peut s’appuyer sur une création protégée, mais uniquement lorsque le détournement reste justifié, proportionné et compatible avec les limites admises de la liberté d’expression.


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